Oubli d’une compresse lors d’une opération au sein d’une clinique et responsabilité du chirurgien libéral

Oubli d’une compresse lors d’une opération au sein d’une clinique et responsabilité du chirurgien libéral
Publié le 24/11/21

Le 26 juillet 2006, une patiente a subi une opération réalisée par un chirurgien libéral au sein de la Clinique SAINT-PAUL à FORT-DE-FRANCE, consistant en la pose bilatérale de prothèses mammaires à visée esthétique.

A la suite de cette intervention chirurgicale, des complications sont survenues au niveau du sein gauche, justifiant de nouvelles opérations chirurgicales réalisées par le même praticien à compter du 13 septembre 2006, dont le retrait de la prothèse mammaire gauche le 23 octobre 2006.

Au mois de novembre 2007, à la suite d’un nouvel épisode infectieux présentant un écoulement purulent au niveau de la cicatrice sous mammaire gauche, la patiente à sollicité l’avis d’un second praticien, chirurgien plastique exerçant au sein de la même clinique.

Lors d’une opération de drainage réalisée le 26 mars 2008, le chirurgien plastique a découvert la présence d’un corps étranger de type compresse dans le corps de la patiente, a procédé à son retrait et a prescrit une antibiothérapie.

Le 2 octobre 2008, une échographie mammaire a montré la résorption de toute anomalie.

Par ordonnance en date du 22 avril 2016, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE a ordonné, à la demande de la patiente, l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire afin de déterminer les éventuelles responsabilités des différents intervenants ainsi que les préjudices subis par la demanderesse.

Le 20 juin 2016, l’Expert Judiciaire a déposé son rapport définitif.

Aux termes de celui-ci, il conclut que la patiente a présenté, en rapport direct et certain avec la pose bilatérale de prothèses mammaires à visée esthétique, une surinfection du sein gauche avec écoulement persistant ayant amené au retrait de la prothèse, favorisée par la présence d’un corps étranger oublié (compresse) en préopératoire lors de la pose de ces prothèses. Selon l’Expert Judiciaire, cette complication infectieuse est en relation directe, certaine et exclusive avec les faits.  

Par exploits d’Huissiers de Justice en date du 4 mai 2018, la patiente a fait assigner le chirurgien ayant posé les prothèses, la Clinique SAINT-PAUL et la SHAM (assureur de cette dernière) devant le Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE aux fins de voir homologuer le rapport d’expertise médicale et de voir condamner in solidum les parties défenderesses à l’indemniser de ses préjudices.

Par jugement en date du 12 mai 2020, le Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE a condamné la Clinique SAINT-PAUL, la SHAM et le chirurgien libéral à verser différentes indemnités à la patiente victime.

Par déclarations en dates des 9 et 17 juillet 2020, la Clinique SAINT-PAUL et la SHAM ont interjeté appel de cette décision, estimant que seul le chirurgien libéral serait responsable, en l’espèce, des préjudices subis par la patiente.

Or, par arrêt en date du 21 septembre 2021 (Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE, 21 septembre 2021, RG n°20/00250), la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE a estimé que seul le chirurgien libéral était responsable en l’espèce.

Comme le rappelle la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE :

« La responsabilité du [chirugien] n’est pas contestée. Elle résulte de la succession de plusieurs fautes commises par le praticien avant, pendant et après l’acte chirurgical.

D’abord, lors du stade pré-opératoire, l’expert a relevé plusieurs manquements : l’absence d’information sur les risques de complications éventuelles de cette chirurgie esthétique, l’absence de plusieurs consultations et d’un délai suffisant pour permettre à la patiente de donner un consentement éclairé selon les dispositions de l’article L.6322-1 du code de la santé publique qui imposent de respecter un délai impératif et minimum de 15 jours après la remise du devis détaillé avant de procéder à l’acte chirurgical, l’absence de photographies pré-opératoires comme cela est l’usage en matière de chirurgie esthétique, l’absence de bilan mammaire pré-opératoire pour rechercher une éventuelle pathologie mammaire préexistante à l’intervention et enfin, l’absence de courrier adressé au médecin traitant pour l’informer de la proposition thérapeutique.

Ensuite, lors de l’acte chirurgical lui-même, l’expertise a révélé que le [chirurgien] avait oublié une compresse dans la loge prothétique du sein gauche, la présence de ce corps étranger ayant facilité selon l’expert, l’inflammation et l’infection locale en rapport avec les troubles observés.

Enfin, au stade post-opératoire, il est établi que le départ du [chirurgien] de la Martinique le soir même de l’intervention et pour plusieurs semaines, a généré l’absence de tout suivi post-opératoire immédiat. Selon l’expert, la reprise opératoire de la patiente par le [chirurgien] lors de son retour dans le département, a été tardive, surtout au regard de la surinfection qu’elle présentait, et inappropriée, le chirurgien ayant procédé à deux nouvelles interventions sous anesthésie locale alors que des anesthésies générales auraient été souhaitables pour le confort de la patiente et pour assurer la fiabilité des actes médicaux.

Il est établi et non contesté que ces fautes sont à l’origine directe des préjudices subis par [la patiente].

La responsabilité [du chirurgien] est donc engagée ».

En revanche, au regard des circonstances de l’espèce, la Cour d’Appel de FORT-DE-FRANCE ne retient aucun manquement à l’encontre de la Clinique SAINT-PAUL.

Par conséquent, le chirurgien libéral ayant posé les prothèses mammaires et ayant oublié la compresse dans le corps de la patiente est déclaré seul responsable et sera seul tenu d’indemniser les différents préjudices subis par la patiente.

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