Injection de toxine botulique dans les glandes sous mandibulaires d’un patient et responsabilité des Centres Hospitaliers

Injection de toxine botulique dans les glandes sous mandibulaires d’un patient et responsabilité des Centres Hospitaliers
Publié le 8/11/21

Un homme, souffrant d’un syndrome parkinsonien sur dégénérescence cortico-basale depuis l’année 2010, a subi, le 30 juin 2015, une injection de toxine botulique dans les glandes sous mandibulaires au sein du Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS afin de tenter de limiter un phénomène de bavage gênant socialement, sans toutefois être informé préalablement sur l’ensemble des risques associés à ce geste médical.

A compter du 3 juillet 2015, il a commencé à rencontrer d’importantes difficultés pour déglutir, rendant impossible toute ingestion, tant de liquides que de solides et rendant impossible la parole.

Son état de santé s’étant dégradé notamment sur le plan respiratoire, le patient a été hospitalisé au sein du Centre Hospitalier d’ABBEVILLE.

Lors de son arrivée au sein de cet établissement de santé, aucune mesure particulière ne sera prise par le personnel soignant pour alimenter le patient et protéger ses voies aériennes.

Son état de santé a alors été marqué par des périodes d’évolution favorable puis de récidives de pneumopathie d’inhalation.

Le 14 octobre 2015, le patient est décédé au sein du Centre Hospitalier d’ABBEVILLE.

Estimant que des fautes avaient été commises dans le cadre de sa prise en charge médicale, sa veuve et ses filles ont alors saisi le Juge des Référés du Tribunal Administratif d’AMIENS afin de solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.

La juridiction a fait droit à cette demande et désigné les Docteurs Philippe PERNOT et Thierry BRICHE en qualité d’Experts Judiciaires.

A la suite du dépôt de leur rapport, la veuve et les filles du patient ont adressé un recours indemnitaire préalable au Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS et au Centre Hospitalier d’ABBEVILLE, afin de solliciter la réparation de leurs préjudices à la suite des manquements commis dans la prise en charge médicale du défunt.

En l’absence de réponse des établissements de santé, elles ont saisi le Tribunal Administratif d’AMIENS afin de voir, à titre principe, reconnaître la responsabilité des Centres Hospitaliers d’AMIENS et d’ABBEVILLE et, à titre subsidiaire, solliciter la condamnation de l’ONIAM à les indemniser de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale.

Par jugement en date du 5 décembre 2019, le Tribunal Administratif d’AMIENS a condamné le Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS, le Centre Hospitalier d’ABBEVILLE et l’ONIAM à verser différentes indemnités à la succession du patient ainsi qu’à sa veuve et ses filles.

Le Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS et le Centre Hospitalier d’ABBEVILLE ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leur mémoire d’appel, les établissements de santé soutiennent notamment que le Tribunal Administratif d’AMIENS aurait dû tenir compte de l’état de santé antérieur du patient, caractérisé par une pathologie parkinsonienne évolutive responsable selon eux pour 50% de la dégradation de son état de santé et de son décès, pour réduire le droit à indemnisation de la veuve et de ses filles.

De son côté, l’ONIAM contestait tout droit à indemnisation de ces dernières au titre de la solidarité nationale.

Par arrêt en date du 6 juillet 2021 (Cour Administrative d’Appel de DOUAI, 6 juillet 2021, N°20DA00180), la Cour Administrative d’Appel de DOUAI a non seulement rejeté l’argumentation développée par le Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS et par le Centre Hospitalier d’ABBEVILLE mais a également condamné ces derniers à réparer l’intégralité des préjudices subis par la veuve et ses filles, en mettant hors de cause l’ONIAM.

En effet, comme le souligne la Cour Administrative d’Appel de DOUAI, le Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS a manqué à son obligation d’information envers le patient en ne l’avertissant pas de tous les risques associés à l’injection de toxine botulique dans ses glandes sous mandibulaires, cette faute étant à l’origine d’une perte de chance d’échapper au dommage survenu évaluée à 30%.

Quant au Centre Hospitalier d’ABBEVILLE, il a également commis plusieurs fautes dans la prise en charge du patient à la suite de la survenue des complications liées aux injections de toxine botulique, à savoir :Un retard conséquent dans la pose d’une sonde de gastrostomie le 7 août 2015 alors que le patient présentait des signes de dénutrition protéino-énergétique sévère en raison d’une apraxie complète de la déglutition empêchant toute réalimentation, le conduisant par la suite à un amaigrissement massif avec une perte de poids d’environ dix kilogrammes ;

– Un défaut de réalisation d’une trachéotomie qui aurait permis une protection des voies aériennes et des poumons pouvant éviter ainsi les complications liées aux pneumopathies d’inhalation à répétition.

– Comme le précise la Cour Administrative d’Appel de DOUAI, « les fautes commises par les centres hospitaliers d’Amiens et d’Abbeville doivent être regardées comme étant à l’origine du décès de M. C…. Il y a lieu de fixer le partage de responsabilité à 30% pour le centre hospitalier universitaire d’Amiens et à 70% pour le centre hospitalier d’Abbeville. En revanche, il n’y a pas lieu d’affecter à ces taux un nouveau taux de 50% tenant compte de l’étant antérieur de M. C…, les fautes commises étant, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, sans rapport avec cet état et à l’origine directe de l’intégralité du dommage subi ».  

Le Centre Hospitalier Universitaire d’AMIENS et le Centre Hospitalier d’ABBEVILLE sont donc condamnés à verser à la veuve du patient et à ses filles la somme totale de 89.022,80 euros en réparation de leurs différents préjudices.

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