L’état antérieur psychiatrique ou psychologique asymptomatique de la victime ne saurait réduire ou exclure son droit à indemnisation

L’état antérieur psychiatrique ou psychologique asymptomatique de la victime ne saurait réduire ou exclure son droit à indemnisation
Publié le 11/09/23

Au cours d’une action de chasse, un homme a été victime d’un traumatisme crânien, ayant entraîné une incapacité inférieure ou égale à trois mois. 

Depuis son accident, la victime présente notamment des céphalées ainsi que des malaises vagaux. 

Deux personnes ayant participé à cette action de chasse ont alors été poursuivies devant le Tribunal de Police du chef de blessures involontaires. 

Toutefois, le Tribunal de Police les a relaxées et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la victime. 

Cette dernière a interjeté appel des dispositions civiles de cette décision.

Par arrêt en date du 30 novembre 2013, la Cour d’Appel de NANCY a déclaré recevable et bien fondée sa constitution de partie civile, infirmé le jugement, déclaré les deux participants à l’action de chasse responsables in solidum de son préjudice et, avant dire droit, ordonné une expertise médicale par un Expert Judiciaire, lequel s’est adjoint deux sapiteurs ; un psychiatre et un neurologue. 

Un premier rapport a été déposé en 2015 et, par arrêt avant dire droit du 20 septembre 2016, la Cour d’Appel de NANCY a ordonné le retour du dossier à l’Expert Judiciaire et renvoyé l’affaire à une audience ultérieure. 

Le rapport définitif a été déposé le 24 avril 2017. 

Par arrêt en date du 17 mai 2019, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de NANCY a fixé l’indemnisation du poste de préjudice « Souffrances Endurées » à 6.000 euros, du poste « Déficit Fonctionnel Permanent » à 9.000 euros, du poste « Incidence Professionnelle » à 10.000 euros et l’a débouté du surplus de ses demandes. 

Pour ce faire, la Cour d’Appel de NANCY rappelle que la victime fait valoir qu’elle souffre de céphalées qui provoqueraient des malaises vagaux en relation avec l’accident de chasse.

Les conseillers relèvent que l’Expert Judiciaire note dans son rapport définitif que le sapiteur psychiatre a considéré que, pour les troubles psychiques, la consolidation est acquise au 25 janvier 2011 et que les fluctuations enregistrées depuis lors ne sont pas directement liées au fait accidentel mais illustrent l’organisation sous-jacente, en lien avec un état psychiatrique antérieur.

Ils ajoutent que, dans le premier rapport d’expertise, le sapiteur neurologue a mentionné que la victime présentait, comme séquelles neurologiques secondaires à l’accident, des céphalées trigémino-vasculaires ainsi que des malaises vagaux.

Ils retiennent que l’Expert Judiciaire a pris en considération les conclusions des deux sapiteurs et l’avis d’un Professeur.

Aux termes du rapport d’expertise définitif, l’Expert Judiciaire a conclu que « les différents malaises sont qualifiées par le Docteur R. de vagaux, je les avais nommés malaises allégués pour signifier qu’ils n’étaient pas en rapport direct, certain et total avec l’accident de chasse ». 

La Cour d’Appel de NANCY en conclu que ces malaises vagaux et ces céphalées ne seront donc pas retenus dans l’appréciation du préjudice de la victime dès lors notamment que les Experts s’accordent pour dire qu’il existe une importante symptomatologie psychiatrique et psychologique antérieure à l’accident.

La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Or, par arrêt en date du 16 mai 2023 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2023, Pourvoi n°22-85322), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NANCY au visa, d’une part des articles 1240 du Code Civil et 593 du Code de Procédure Pénale et, d’autre part du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. 

En effet, la Cour de cassation estime que la Cour d’Appel de NANCY a violé le principe de la réparation intégrale en limitant ou rejetant les demandes indemnitaires de la victime alors qu’elle n’avait pas constaté « qu’avant l’accident les effets néfastes de cette pathologie s’étaient déjà révélés ». 

L’état antérieur psychiatrique ou psychologique non révélé et asymptomatique de la victime ne saurait réduire ou exclure son droit à indemnisation. 

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