Les Experts Judiciaires sont tenus de restituer aux parties les pièces non dématérialisées qui leur ont été remises en vue de l’accomplissement de leurs missions

Les Experts Judiciaires sont tenus de restituer aux parties les pièces non dématérialisées qui leur ont été remises en vue de l’accomplissement de leurs missions
Publié le 28/11/22

Le 10 avril 1992, un nourrisson a présenté, lors de sa naissance, une dystocie des épaules et a conservé des lésions d’un plexus brachial.

Son père a alors saisi la juridiction administrative afin de voir reconnaître la responsabilité de l’établissement public de santé où a eu lieu l’accouchement.

Pour ce faire, un Expert Judiciaire a été désigné et a déposé son rapport.

Après avoir vainement sollicité la restitution des pièces qu’ils avaient communiquées à l’Expert lors des opérations d’expertise, la victime et son père l’ont assigné en responsabilité et indemnisation de leur préjudice moral.

Par arrêt en date du 3 décembre 2020, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a fait droit à leur argumentation.

Plus précisément, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a considéré que l’Expert Judiciaire avait commis une faute et l’a condamné à payer des dommages et intérêts. 

En effet, elle relève que l’Expert Judiciaire ne contestait pas, d’une part avoir reçu des demandeurs, pour l’exécution de sa mission, des documents médicaux afférents au suivi de la victime et, d’autre part ne pas être en mesure de démontrer qu’il leur avait restitués à l’issue de sa mission.

Le fait de s’en être dessaisi, sans s’assurer de l’accord préalable des demandeurs, constitue une négligence fautive selon la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE.

L’Expert Judiciaire s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, il souligne le fait que les textes qui réglementent la mission de l’Expert sont muets quant au devenir des documents que les justiciables confient à l’Expert pour l’exécution de sa mission.

Par ailleurs, seules des copies lui avaient été remises, ce dont il résultait qu’il n’avait pu, selon lui, commettre de faute en ne les conservant pas. 

Toutefois, aux termes de son arrêt en date du 5 octobre 2022 (Cour de cassation, Civile 1ère, 5 octobre 2022, Pourvoi n°21-12542), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par l’Expert Judiciaire et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE.

Comme le rappelle la Cour de cassation, il résulte des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241 du Code Civil, et 243 du Code de Procédure Civile, que l’Expert se fait communiquer par les parties les pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission et qu’au terme de ses opérations, il lui incombe, sauf dispense des parties, de leur restituer les pièces non dématérialisées.

Or, après avoir relevé que l’Expert ne contestait pas avoir reçu les pièces nécessaires à la réalisation de la mesure, et ne pas avoir été en mesure de les restituer, la Cour d’Appel en a déduit à bon droit qu’en se dessaisissant des pièces médicales remises par les demandeurs sans s’assurer de leur accord, l’Expert avait commis une faute.

Sauf dispense des parties, les Experts Judiciaires sont donc tenus de restituer aux parties les pièces non dématérialisées qui leur ont été remises en vue de l’accomplissement de leurs missions et ce, même s’il s’agit de copies.

A défaut, ils engagent leur responsabilité civile et peuvent être condamnés à verser des dommages et intérêts aux parties, au titre de leur préjudice moral. 

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