Indisponibilité d’une salle d’opération et responsabilité du Centre Hospitalier

Indisponibilité d’une salle d’opération et responsabilité du Centre Hospitalier
Publié le 26/10/17

Un homme, victime d’une fracture ouverte de la jambe droite à la suite d’une chute survenue le 2 août 2005, vers 18h00, a été transporté au sein du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE où il a subi, le lendemain matin, un débridement, un lavage et une réduction de sa fracture ainsi qu’une antibiothérapie.

Une nécrose de la face interne de sa jambe et une infection s’étant produites, l’équipe médicale du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE a été contrainte de procéder à l’amputation de sa jambe, le 24 août 2015.

Le 17 juin 2008, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) de la Guadeloupe-Martinique a émis l’avis que le Centre Hospitalier de BASSE-TERRE était responsable des dommages subis par le patient et a transmis le dossier à l’assureur de l’établissement public de santé (la SHAM) afin que ce dernier fasse une offre d’indemnisation.

La compagnie d’assurance a toutefois refusé de présenter une offre d’indemnisation au patient.

L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (l’ONIAM) s’est alors substitué à l’assureur en application de l’article L.1442-15 du Code de la Santé Publique et a signé avec le patient, le 4 mars 2010, un protocole d’indemnisation transactionnel par lequel celui-ci a accepté le versement de la somme de 157.226,60 euros en réparation de l’ensemble de ses préjudices.

Subrogé dans les droits du patient, l’ONIAM a alors saisi le Tribunal Administratif de BASSE-TERRE aux fins de solliciter la condamnation solidaire du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE et de son assureur, la SHAM, à lui rembourser la somme de 157.226,60 euros, correspondant aux indemnités transactionnelles versées au patient en réparation de ses préjudices, outre la la somme de 23.583,99 euros correspondant à la majoration prévue par les articles L.1142-14 et L.1142-15 du Code de la Santé Publique.

Néanmoins, par jugement en date du 23 octobre 2013 (Tribunal Administratif de BASSE-TERRE, 23 octobre 2013, N° 1100657), le Tribunal Administratif de BASSE-TERRE a rejeté la demande de l’ONIAM, lequel a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 6 octobre 2015 (Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, 6 octobre 2015, N° 13BX03510), la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a confirmé le jugement rendu en première instance.

Pour écarter toute faute du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE dans la prise en charge du patient, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a retenu qu’il n’avait pas été possible de réaliser plus rapidement l’opération qu’appelait l’état de ce patient dès lors que le seul bloc opératoire dont disposait l’établissement public de santé était, au moment de la prise en charge de l’intéressé, occupé par une césarienne.

Même si l’ONIAM avait fait valoir que cette salle d’opération pouvait être remise en état opérationnel après la césarienne, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX considérait néanmoins que l’ONIAM ne faisait état d’aucun risque exceptionnel qui aurait justifié un bouleversement des programmes d’utilisation du bloc opératoire.

Selon la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, le Centre Hospitalier de BASSE-TERRE n’était donc pas tenu d’indemniser le patient à la suite de l’amputation dont il a été victime.

L’ONIAM s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

Par arrêt en date du 19 juillet 2017 (Conseil d’État, 5ème Chambre, 19 juillet 2017, N° 395083), le Conseil d’État a annulé l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX.

Comme le rappelle le Conseil d’État, il ressort des éléments du dossier que le patient présentait, à son arrivée au sein du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE, à 20h30, une fracture du pilon tibial ouverte, stade II, avec des contusions cutanées à la face interne de la jambe.

Le patient n’a pu être opéré que le lendemain, à 8h50, après un délai de plus de douze heures alors que selon l’Expert, en cas de fracture ouverte, dans un environnement septique comme en l’espèce, les opérations de parage, d’excision et de lavage doivent intervenir le plus rapidement possible et, si possible, dans un délai de six heures.

Selon le Conseil d’État, le fait pour le Centre Hospitalier de BASSE-TERRE d’avoir été dans l’incapacité d’assurer l’opération du patient dans le délai qu’exigeait son état, en effectuant la remise en état opération de la salle d’intervention immédiatement après la césarienne, révèle, alors que la situation à laquelle était confronté l’hôpital n’avait aucun caractère exceptionnel, une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l’établissement public de santé.

Ainsi, l’impossiblité de mettre à disposition du patient, dans le délai qu’exigeait son état de santé, la salle d’opération nécessaire à son intervention constitue une faute engageant la responsabilité du Centre Hospitalier de BASSE-TERRE.

L’établissement public de santé et son assureur, la SHAM, seront donc tenus de rembourser les sommes sollicitées par l’ONIAM à la suite de la transaction que ce dernier a conclue avec le patient. 

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