Responsabilité des parents du fait de leurs enfants : l’article 1242 du Code civil, tel qu’interprété par la Cour de cassation en cas de divorce ou de séparation, est conforme à la Constitution

Publié le 12/06/23

L’article 1242 alinéa 1er du Code civil (Ancien article 1384 alinéa 1er) dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». 

Ce même article prévoit ensuite un certain nombre de cas de responsabilité du fait d’autrui.

L’article 1242 alinéa 4 précise notamment que : 

« Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». 

En application de cet article, les parents sont donc civilement responsables des faits commis par leurs enfants mineurs.

L’objectif de ce cas de responsabilité du fait d’autrui est de faciliter et d’améliorer les possibilités d’indemnisation d’une victime.

La responsabilité du fait d’autrui se distingue de la responsabilité du fait personnel en ce qu’elle permet d’engager la responsabilité d’un ou plusieurs tiers, à savoir les parents, sans avoir à prouver de faute de leur part.

Cette amélioration de la situation de la victime s’explique principalement par le fait que les parents sont, en principe, titulaires d’un contrat d’assurance responsabilité civile couvrant leur fait personnel et le fait de leurs enfants mineurs.

Ce sont donc les compagnies d’assurance qui devront, en principe, supporter le coût final de l’indemnisation de la victime.

Toutefois, pour que cette dernière puisse être indemnisée de l’intégralité de ses préjudices, il est nécessaire qu’elle rapporte la preuve que les conditions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil sont bien remplies, à savoir : 

– L’existence d’un enfant mineur ; 

– L’exercice de l’autorité parentale sur cet enfant ; 

– La cohabitation des parents avec l’enfant ; 

– Un fait de l’enfant.

La mise en œuvre de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil suppose donc, en premier lieu, un enfant mineur. En effet, si l’enfant est majeur ou émancipé, ses parents ne sauraient être civilement responsables de ses actes.

Par ailleurs, pour que les parents puissent voir leur responsabilité civile engagée en raison d’un fait commis par leur enfant, ceux-ci doivent être titulaires de l’autorité parentale sur l’auteur des faits. Les parents seront alors individuellement ou solidairement responsables suivant que l’autorité parentale est exercée unilatéralement ou conjointement par les deux parents.

En outre, la responsabilité des parents du fait de leur enfant suppose une cohabitation entre eux et le mineur. Si initialement la jurisprudence exigeait une cohabitation effective, c’est-à-dire matérielle, la cohabitation est désormais définie comme la résidence habituelle de l’enfant au domicile de ses parents ou de l’un d’eux. C’est donc la résidence juridique de l’enfant qui compte. A titre d’exemple, même s’il est scolarisé dans un internat ou s’il a été confié temporairement à la garde d’un tiers, l’enfant sera toujours réputé cohabiter avec ses parents. Pour que la cohabitation disparaisse, il sera nécessaire de caractériser l’existence d’une décision de justice ayant transféré la résidence habituelle de l’enfant chez un tiers ou dans une institution. 

Enfin, pour que les parents voient leur responsabilité civile engagée, il faut et il suffit que leur enfant ait causé un dommage à un tiers. En effet, depuis l’arrêt FULLENWARTH, rendu le 9 mai 1984 par la Cour de cassation (Cour de cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, Pourvoi n°79-16612), il n’est plus nécessaire de caractériser une faute commise par l’enfant mineur ; un simple fait causal suffira à engager la responsabilité de ses parents. Comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt précité, « il suffit que [l’enfant] ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime ». 

Ces dispositions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil ont donné lieu récemment à une Question Prioritaire de Constitutionnalité sur l’hypothèse du divorce ou de la séparation des parents. 

En effet, dans un tel cas, la Cour de cassation considère que seul le parent au domicile duquel la résidence habituelle de l’enfant mineur a été fixée est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier, alors même que l’autre parent exerce conjointement l’autorité parentale et peut bénéficier d’un droit de visite et d’hébergement.

Selon les requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en ce que : 

  • Elles institueraient une différence de traitement injustifiée entre les parents, dès lors que seul le parent chez lequel la résidence de l’enfant est fixée est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit ; 
  • Elles institueraient une différence de traitement injustifiée entre les victimes, qui n’auraient pas la possibilité de rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent ; 

Par ailleurs, ces dispositions seraient également contraires à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit de mener une vie familiale normale en ce qu’elles inciteraient le parent chez lequel la résidence de l’enfant n’a pas été fixé à se désintéresser de son éducation.

Or, par décision en date du 21 avril 2023 (Conseil Constitutionnel, 21 avril 2023, Décision QPC n°2023-1045), le Conseil Constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil, tel qu’interprétées par la Cour de cassation sont conformes à la Constitution.

En effet, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel, l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». 

Selon le Conseil Constitutionnel, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Il ajoute que les dispositions contestées ont pour objet de déterminer la personne tenue de répondre sans faute du dommage causé par un enfant mineur afin de garantir l’indemnisation du préjudice subi par la victime.

Il rappelle qu’en cas de divorce ou de séparation, le juge peut, en vertu de l’article 373-2-9 du Code civil, fixer la résidence de l’enfant soit en alternance au domicile de chacun des parents, soit au domicile de l’un d’eux. Ainsi, le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée par le juge ne se trouve pas placé dans la même situation que l’autre parent.

Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi. 

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel estime que ces dispositions n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les victimes d’un dommage causé par un enfant mineur.

Par conséquent, le Conseil Constitutionnel considère que les dispositions attaquées sont bien confirmes aux principes constitutionnels d’égalité devant la loi, de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, du droit au respect de la vie privée ou du droit de mener une vie familiale normale.

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