Responsabilité civile en cas d’accident de chasse

Responsabilité civile en cas d’accident de chasse
Publié le 12/12/16

Le 22 septembre 2013, un restaurateur, chef d’entreprise, a été victime d’un accident de chasse.

Alors qu’il participait, en qualité d’accompagnateur, à une battue aux chevreuils, organisée par un groupement de chasse, le restaurateur a été blessé à la jambe à la suite d’un coup de feu, tiré par l’un des chasseurs présents.

Estimant que la responsabilité de ce dernier était engagée, le restaurateur victime, ainsi que sa société, ont alors assigné le chasseur et son assureur, devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de TULLE afin, d’une part de voir organiser une mesure d’expertise judiciaire ayant pour objet d’évaluer ses préjudices et, d’autre part de se voir allouer une provision, dans l’attente de l’indemnisation définitive de leurs préjudices.

Le chasseur assigné et son assureur ont, à leur tour, appelé dans la cause le groupement de chasse organisateur ainsi que son assureur, lesquels ont aussitôt sollicité leur mise hors de cause.

Par ordonnance en date du 10 mars 2015, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de TULLE a rejeté la demande de mise hors de cause du groupement de chasse et de son assureur, fait droit à la demande d’expertise médicale du restaurateur mais rejeté sa demande de provision.

Le restaurateur et son assureur ont alors interjeté appel de cette décision, estimant que leurs demandes de provisions n’étaient pas sérieusement contestables.

C’est dans ce contexte que, par arrêt en date du 14 janvier 2016 (Cour d’Appel de LIMOGES, Chambre Civile, 14 janvier 2016, N°15/00369), la Cour d’Appel de LIMOGES a confirmé l’ordonnance en ce qu’elle faisait droit à la demande d’expertise médicale.

Par ailleurs, la Cour d’Appel de LIMOGES a alloué au restaurateur blessé une provision d’un montant de 5.000 euros dans l’attente de l’indemnisation définitive de ses préjudices.

La faute d’imprudence commise par le chasseur, auteur du tir

En cas d’accident de chasse, la responsabilité de l’auteur du dommage peut-être recherchée, par la victime, sur le fondement des articles 1240 et suivants du Code civil (Anciens articles 1382 et suivants du Code civil).

En application de ces articles, la responsabilité du chasseur pourra être retenue en raison :

– De son fait personnel, lorsque le chasseur est l’auteur direct du dommage et qu’il n’a pas respecté les règles de sécurité relative à la pratique de la chasse. Pour ce faire, son comportement sera comparé à celui d’un chasseur normalement diligent et respectueux des règles de sécurité (Articles 1240 et 1241 du Code civil ; Anciens articles 1382 et1383 du Code civil). Pour mémoire, il convient de rappeler que l’article L.424-15 du Code de l’environnement dispose que « Des règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d’animaux d’espèces non domestiques doivent être observées, particulièrement lorsqu’il est recouru au tir à balles » ;

Ex : la responsabilité de l’auteur sera retenue lorsque le chasseur a blessé un autre participant ou un tiers car il ne s’est pas assuré, préalablement à son tir, que le champ était libre ou que la cible visée était bien du gibier ;  

– Du fait d’autrui, lorsqu’un enfant mineur ou un préposé du chasseur est à l’origine de l’accident (Article 1242 du Code civil) ;

– Du fait d’une chose sous la garde du chasseur (Article 1242 alinéa 1er du Code civil) ;

Ex : Accident imputable à un coup de feu parti accidentellement ;

– Du fait des animaux servant à la chasse (Article 1243 du Code civil) ;

Ex : Accident imputable à un cheval lors d’une chasse à courre ou à un chien ;   

Il convient également de préciser qu’un organisateur de parties de chasse peut également voir sa responsabilité engagée en cas d’accident.

L’organisateur peut aussi bien être une personne physique qu’une personne morale (Ex : association).

Sa responsabilité pourra tout d’abord être recherchée en cas de faute personnelle dans l’organisation de la partie de chasse.

Même en l’absence de toute faute personnelle, sa responsabilité pourra être recherchée en cas de faute commise par l’un de ses membres ou l’un des participants dont l’organisateur doit répondre.

Toutefois, pour que la responsabilité de l’organisateur puisse être recherchée en raison de la faute d’autrui, il faut que cet organisateur ait organisé, contrôlé et dirigé l’activité des participants au cours de la chasse.

Dans la majorité des cas, la responsabilité l’organisateur sera recherchée parallèlement à celle du chasseur, auteur du dommage, afin de multiplier les sources d’indemnisation pour la victime.

En l’espèce, avant que la responsabilité du chasseur, auteur du tir dommageable ne soit définitivement tranchée, le restaurateur victime avait décidé de saisir, en référé, le Tribunal de Grande Instance de TULLE afin de voir désigner un Expert Judiciaire avec pour mission d’évaluer ses préjudices et de se voir allouer une somme provisionnelle dans l’attente de la réparation définitive de son préjudice.

Le chasseur mis en cause et son assureur « responsabilité civile » avaient, à leur tour, décidé d’appeler dans la cause le groupement de chasse organisateur de l’évènement ainsi que son assureur.

Néanmoins, dans son ordonnance du 10 mars 2015, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de TULLE avait considéré qu’aucune provision ne pouvait être allouée au restaurateur victime dès lors qu’il existait un doute sur son droit à indemnisation. Selon le Juge des Référés, il convenait d’attendre que le Tribunal se prononce sur la responsabilité du chasseur avant de pouvoir allouer la moindre indemnisation à la victime.

Estimant cependant que son droit à indemnisation n’était pas sérieusement contestable, la victime et son assureur ont alors interjeté appel de cette ordonnance.

Or, dans son arrêt en date du 14 janvier 2016 (Cour d’Appel de LIMOGES, Chambre Civile, 14 janvier 2016, N°15/00369), la Cour d’Appel de LIMOGES a fait droit à l’argumentation de la victime et infirmé l’ordonnance rendue en première instance.

Selon la Cour d’Appel de LIMOGES, le droit à indemnisation du restaurateur victime n’était pas sérieusement contestable en raison de la faute d’imprudence commise par le chasseur.

Pour caractériser cette faute d’imprudence, la Cour d’Appel commence par souligner le manque d’expérience de la victime du tir.

En effet, comme le précise la Cour d’Appel, le restaurateur, qui ne participait qu’en qualité d’accompagnateur à la battue aux chevreuils, n’avait reçu aucune formation préalable à la chasse.

Ce manque d’expérience et de formation aurait donc dû conduire les chasseurs participants à la battue à la plus grande vigilance, notamment lors des phases de tirs.

Par ailleurs, il apparaît que l’auteur du tir litigieux a commis une faute d’imprudence à l’origine du dommage.

En effet, lors de l’enquête, le chasseur a reconnu, d’une part qu’il ne disposait pas d’une bonne visibilité au moment de son tir et, d’autre part qu’il ignorait où se trouvait le restaurateur victime.

Tous ses éléments ont donc conduit la Cour d’Appel de LIMOGES à considérer que le chasseur, auteur du tir litigieux, avait commis une faute d’imprudence « de nature à engager incontestablement sa responsabilité dans le dommage subi » par la victime. 

L’absence de faute exonératoire de responsabilité de l’accompagnateur

De plus, la Cour d’Appel de LIMOGES prend soin de préciser que le restaurateur victime n’a commis aucune faute de nature à exonérer le chasseur de sa responsabilité.

En effet, dans le cadre de ses conclusions, l’auteur du tir dommageable tentait de soutenir que le restaurateur avait commis une faute dès lors que ce dernier n’aurait pas respecté les consignes de sécurité en changeant de place.

Néanmoins, selon la Cour d’Appel de LIMOGES, cette faute du restaurateur ne serait pas de nature à exonérer l’auteur du tir de sa responsabilité dès que la faute de la victime, pour être totalement exonératoire, doit présenter les caractéristiques de la force majeure, à savoir être extérieure, imprévisible ou irrésistible.

Or, en l’espèce, la faute de la victime n’était en rien imprévisible puisque, compte tenu de son manque d’expérience et son absence de formation, il était tout à fait vraisemblable que la victime ne connaisse pas les règles à respecter lors d’une battue aux chevreuils.

Par ailleurs, la faute de la victime n’était pas non plus irrésistible dès lors qu’il appartenait au groupement de chasse ainsi qu’aux chasseurs de rappeler les règles de sécurité à l’accompagnateur victime et de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter un tel accident.

Par conséquent, le droit à indemnisation de la victime n’étant pas sérieusement contestable selon la Cour d’Appel de LIMOGES, le restaurateur s’est vue allouer la somme de 5.000 euros, à titre de provision, dans l’attente de la réparation définitive de ses préjudices devant le Juge du fond.

À la suite des opérations d’expertise judiciaire, il appartiendra à la victime de ressaisir le Tribunal de Grande Instance de TULLE, au fond, afin de voir engager la responsabilité du chasseur, auteur du tir, ainsi que celle du groupement de chasse, s’il l’estime opportun, et de solliciter la réparation intégrale de ses préjudices ainsi que ceux de sa société.

La provision de 5.000 euros qu’il a obtenue, en référé, s’imputera alors sur la liquidation définitive de ses préjudices. 

Pin It on Pinterest