Réouverture en aggravation : la naissance d’enfants postérieurement à l’indemnisation judiciaire initiale constitue une aggravation situationnelle du préjudice de l’assistance par une tierce personne

Le 6 juillet 1999, un homme a été victime d’un accident de la circulation à l’origine d’une amputation sous le genou et d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 60%.
La société AZUR Assurances, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, a été condamnée à l’indemniser de ses différents préjudices et ce, par jugement en date du 12 avril 2006.
Se plaignant d’une aggravation de son préjudice, la victime a saisi un Juge des Référés qui a ordonné une expertise médicale.
L’Expert Judiciaire désigné a conclu à l’absence de nouvelles lésions en lien avec l’accident indemnisé en 2006, mais à une modification fonctionnelle de l’état de santé de la victime du fait de l’existence d’un nouvel appareillage susceptible d’améliorer sa situation et de la naissance de ses deux enfants qui nécessitent une aide humaine de substitution.
La victime a alors saisi un Tribunal Judiciaire en indemnisation de l’aggravation de son état de santé et a notamment sollicité l’indemnisation de ses frais d’assistance par une tierce personne.
Par arrêt en date du 20 février 2023, la Cour d’Appel de BORDEAUX a fait droit à la demande de la victime sur ce point.
L’assureur s’est pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, la compagnie d’assurances soutient que l’aggravation du préjudice doit être caractérisée par une évolution péjorative de l’état de la victime constituant un préjudice nouveau qui n’avait pas été réparé lors de la première indemnisation.
Or, elle souligne tout d’abord que dans son rapport du 31 octobre 2019, l’Expert Judiciaire indique que, « depuis l’indemnisation qui a fait suite à l’expertise réalisée en 2004, aucune nouvelle lésion n’est apparue, aucune lésion non décelée auparavant n’est survenue et il n’existait aucune lésion imprévisible au moment du dommage évalué en 2004 ».
La Cour d’Appel de BORDEAUX n’aurait donc pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
Par ailleurs, selon l’assureur, « la modification fonctionnelle » constatée consistait seulement en une évolution prévisible liée à l’âge de la victime.
Cependant, par arrêt en date du 28 mai 2005 (Cour de cassation, Civile 2ème, 28 mai 2025, Pourvoi n°23-14915), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par la compagnie d’assurances et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BORDEAUX.
Comme le souligne la Haute Juridiction, la victime avait eu deux enfants postérieurement à la précédente indemnisation judiciaire.
Selon la Cour de cassation, il s’agit d’un préjudice économique nouveau, indépendant de l’état séquellaire de la victime, n’ayant pas été indemnisé par le jugement antérieur à la naissance des enfants.
Cela constitue donc une aggravation situationnelle du préjudice de l’assistance par une tierce personne ouvrant droit à indemnisation au profit de la victime.
Cette décision vient confirmer un précédent arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 février 2004 (Cour de cassation, Civile 2ème, 19 février 2004, Pourvoi n°02-17954).