Partage de responsabilité en cas de défaut de surveillance d’un patient lors d’un changement de garde

Les fautes commises par un médecin libéral peuvent être de nature à engager la responsabilité d’un établissement public de santé
Publié le 30/06/25

Le 20 mars 2013, un patient présentant des anomalies cardiaques et des problèmes pulmonaires a été transféré, par le SAMU, au sein de l’unité de soins intensifs de cardiologie d’une clinique.

En état de choc à son arrivée, il a été pris en charge par le Docteur [Z], médecin de garde, qui a contacté le service de réanimation d’un Centre Hospitalier pour procéder à son transfert, lequel a sollicité, au préalable, la réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien.

Le Docteur [Z] a été remplacé par le Docteur [N] pour la garde de nuit.

Le scanner a été réalisé au sein du service de radiologie de la clinique par le Docteur [B], radiologue.

Après l’injection du produit de contraste, le patient a fait un arrêt cardiaque et a été réanimé par le Docteur [N] avec l’aide du Docteur [Z], puis transféré en réanimation au sein du Centre Hospitalier.

Les 27 et 28 mars 2013, un état de mort cérébrale a été constaté et le patient est demeuré en état de coma végétatif.

Le 10 février 2014, l’épouse et les enfants du patient ont saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (la CCI) territorialement compétente, qui a désigné un collège d’Experts dont le rapport a été remis le 18 août 2016.

La CCI a rendu son avis le 15 novembre 2016.

Le 10 novembre 2017, le patient est décédé.

Le 4 avril 2019, à la suite d’un échec de la procédure de règlement amiable, les proches du patient décédé ont, en leur nom propre et en qualité d’ayants droit, assigné la clinique, le Docteur [Z], le Docteur [N] et le Docteur [B], en responsabilité et indemnisation, aux côtés des tiers payeurs.

Par arrêt en date du 28 septembre 2023, la Cour d’Appel de COLMAR a estimé que différents manquements avaient été commis par la clinique, le Docteur [Z], le Docteur [N] et le Docteur [B] dans le cadre de la prise en charge médicale du patient, à l’origine pour ce dernier d’une perte de chance de ne pas être dans un coma végétatif jusqu’au 10 novembre 2017, date de son décès.

La clinique et le Docteur [B] se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.

Toutefois, par arrêt en date du 9 avril 2025 (Cour de cassation, Civile 1ère, 9 avril 2025, Pourvoi n°23-22998), la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de COLMAR.

Comme le rappelle la Cour de cassation s’agissant de la clinique, dans le service de radiologie, la surveillance du patient n’avait pas été efficiente.

Par ailleurs, sa prise en charge n’avait pas été conforme au moment des changements de gardes ayant entraîné une rupture de la chaîne des soins.

Enfin, lors de son transfert, le patient n’avait pas bénéficié des règles de sécurité permettant d’éviter et de contrôler un évènement indésirable grave, en l’absence de médecin et de protocole écrit pour le transfert d’un patient intubé et ventilé.

Par conséquent, selon la Cour de cassation, il est possible de déduire de l’ensemble de ces éléments qu’un défaut d’organisation du service était imputable à la clinique, lié à l’absence de cohérence et de coordination des interventions des médecins et des définitions des procédures opérationnelles. 

En outre, l’état végétatif dans lequel s’était trouvé le patient était la conséquence de l’évolution de l’arrêt cardiaque par anoxie cérébrale.

Cet arrêt, constaté et traité tardivement, avait augmenté le risque de mortalité.

Dès lors, il existait bien un lien causal entre le manquement imputé à la clinique et la perte de chance retenue.

S’agissant du médecin radiologue, la Cour de cassation souligne qu’il avait accepté de réaliser un scanner alors que le patient était en urgence vitale, sans encadrement ni surveillance médicale.

Avant de procéder à l’examen qui lui était demandé, il aurait dû faire venir le Docteur [N] dans son service.

Selon la Cour de cassation, le radiologue a donc également commis une faute consistant à avoir réalisé l’examen dans les conditions relevées, sans la présence du médecin de garde, en relation de causalité avec les préjudices allégués.

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