Indemnisations autonomes du préjudice moral lié à l’ablation d’un organe sain et du préjudice moral lié à la désinformation postopératoire

Indemnisations autonomes du préjudice moral lié à l’ablation d’un organe sain et du préjudice moral lié à la désinformation postopératoire
Publié le 12/02/24

Le 10 janvier 2011, un patient a subi une opération réalisée par un chirurgien libéral au sein d’une clinique. 

Au cours de cette opération, le chirurgien a décidé de procéder à l’ablation de la bourse pré rotulienne du patient. Ce geste, non prévu initialement, a été à l’origine, pour le patient, d’un hématome post opératoire et a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale. 

Invoquant des douleurs articulaires persistantes, le patient a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien.

Par un arrêt rendu le 16 décembre 2021, la Cour d’Appel de PARIS a estimé que le chirurgien avait commis une faute en procédant inutilement à l’ablation de la bourse pré rotulienne et l’a condamné à indemniser les préjudices subis par le patient.

A cette occasion, la Cour d’Appel de PARIS a indemnisé de façon autonome le préjudice moral subi par le patient et causé par l’ablation d’un corps sain. 

La Cour d’Appel de PARIS a également condamné le chirurgien à indemniser le patient du préjudice moral qu’il lui a causé en affirmant à tort, dans le compte rendu opératoire, que l’ablation était nécessaire en raison d’un épanchement de la bourse pré-rotulienne. 

L’assureur de responsabilité civile professionnelle du chirurgien s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision. 

Il reproche à la Cour d’Appel, d’une part, d’avoir violé le principe de réparation intégrale des préjudices de la victime en indemnisant de façon autonome le préjudice moral lié à l’ablation d’un corps sain ; selon la compagnie d’assurances, ce préjudice moral aurait dû être indemnisé soit dans le cadre du poste « souffrances endurées », soit dans le cadre du poste « déficit fonctionnel permanent ». 

D’autre part, il reproche à l’arrêt d’avoir violé les articles L.1142-1 et L.1111-2 du Code de la Santé Publique en condamnant le chirurgien à indemniser le préjudice moral du patient résultant de la désinformation postopératoire, sans expliquer les conséquences qu’avait eu ce manquement sur le déroulement de l’opération. 

Par arrêt rendu le 6 décembre 2023 (Cour de cassation, Civile 1ère, 6 décembre 2023, n° 22-20786), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développé par la compagnie d’assurance et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS. 

Elle a tout d’abord confirmé la décision de la Cour d’Appel de PARIS en ce que les sommes allouées à la victime au titre du déficit fonctionnel permanent ainsi qu’au titre des souffrances endurées n’incluaient pas le préjudice moral découlant de l’ablation d’un corps sain. 

Elle a ensuite confirmé la décision rendue par la Cour d’Appel de PARIS quant à l’indemnisation du préjudice moral du patient causé par la fausse information postopératoire délivrée par le chirurgien. 

Les préjudices moraux du patient liés, d’une part à l’ablation d’un organe sain et, d’autre part à la désinformation postopératoire, sont donc indemnisés de façon autonome et doivent s’ajouter aux autres postes de préjudices prévus par la nomenclature Dintilhac. 

Article rédigé avec la participation de Monsieur Antoine THIBAULT, stagiaire.

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