Indemnisation de préjudice sexuel d’une victime consécutif à des faits de viol
Par arrêt devenu définitif sur l’action publique, la Cour d’Assises des Mineurs a déclaré un jeune garçon coupable du chef de viol, pour des faits commis entre 1988 et 1990, alors que sa victime n’avait qu’entre 6 et 8 ans.
Par arrêt rendu après renvoi sur intérêts civils, la Cour d’Assises des Mineurs a condamné l’auteur de l’infraction à payer à sa victime une somme totale de 90.825 euros en réparation de ses divers préjudices.
Par arrêt en date du 9 décembre 2022, la Chambre des Mineurs de la Cour d’Appel d’ORLEANS a débouté la victime de la demande qu’elle formulait au titre de son préjudice sexuel.
Aux termes de son arrêt, la Chambre des Mineurs de la Cour d’Appel d’ORLEANS a en effet estimé que la victime ne subissait aucun préjudice sexuel dans la mesure où il n’avait jamais été interessé en raison d’une absence de libido pour l’un ou l’autre sexe.
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Aux termes de son pourvoi, la victime rappelle que la Cour d’Appel d’ORLEANS aurait dû rechercher, comme cela lui était demandé, si son absence de libido n’avait pas pour cause les faits de viol subis lorsqu’il était enfant et avant même qu’il ait l’âge d’avoir du désir sexuel.
Par arrêt en date du 6 février 2024 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 février 2024, Pourvoi n°23-80109), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’ORLEANS et ce, au visa de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, et du principe de la réparation intégrale du préjudice.
Comme le rappelle la Cour de cassation, le préjudice résultant d’une infraction droit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime.
Par ailleurs, elle ajoute que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
En l’espèce, pour débouter la victime de sa demande au titre du préjudice sexuel, la Cour d’Appel d’ORLEANS énonce que l’expert médical a considéré que, si l’intéressé ne présente pas de trouble morphologique ni de difficulté clinique à l’acte sexuel, les conséquences psychologiques des faits peuvent se traduire par des troubles de la libido.
La Cour d’Appel d’ORLEANS relève toutefois que le frère de la victime a déclaré que l’intéressé n’avait, à sa connaissance, eu aucune relation avec qui que ce soit, ni dans l’adolescence ni en tant qu’adulte, et qu’il lui avait, à plusieurs reprises, confié que le sexe ne l’intéressait pas.
Elle ajoute que, selon un camarade de l’intéressé lors de ses études supérieures, celui-ci n’était attiré ni par les hommes ni par les femmes, ne se sentait pas concerné par les relations sexuelles et avait le projet de devenir prêtre.
La Cour d’Appel d’ORLEANS en déduit que la victime ne subit aucun préjudice sexuel, dès lors qu’en raison d’une absence de libido, il n’a jamais eu aucun intérêts pour l’un ou l’autre sexe.
Or, selon la Cour de cassation, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’absence de libido constatée à l’adolescence et à l’âge adulte, de nature à constituer un préjudice sexuel, n’avait pas pour cause les faits de viol subis dans l’enfance, la Cour d’Appel d’ORLEANS n’a pas justifié sa décision.
Par conséquent, l’absence de libido d’une victime, imputable aux faits de viol dont elle a été victime, peut être indemnisée au titre du préjudice sexuel.