Détermination du besoin en tierce personne en fonction des circonstances de fait

Publié le 3/01/17

Selon la Cour de cassation, pour ouvrir droit à indemnisation, le besoin en tierce personne d’une victime n’a pas à être évalué par un Expert Judiciaire ; le besoin peut en effet se déduire des circonstances de fait (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 octobre 2016, Pourvoi n°15-15811).

En l’espèce, le 5 mars 2002, un homme a été victime d’un accident médical non fautif au cours d’une opération pratiquée sur ses deux yeux.

À la suite de cet accident, le patient a perdu, dans une large mesure, son acuité visuelle.

Estimant qu’un manquement à l’obligation d’information avait été commis, le patient et son épouse ont assigné le médecin, son assureur ainsi que l’ONIAM afin d’être indemnisés de l’ensemble de leurs préjudices.

Cependant, dans un arrêt en date du 19 février 2015, la Cour d’Appel de VERSAILLES a refusé toute indemnisation au patient, au titre de l’assistance par une tierce personne, en considérant que ce poste de préjudice n’avait pas été admis par les experts judiciaires.

Le patient et son épouse se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.

Dans son arrêt en date du 20 octobre 2016 (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 octobre 2016, Pourvoi n°15-15811), la Cour de cassation est venue infirmer l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES et a accepté d’indemniser le patient et son épouse au titre de leur préjudice lié à l’assistance par une tierce personne.

Pour mémoire, l’assistance par une tierce personne correspond au besoin en aide humaine nécessaire pour pallier la perte d’autonomie d’une personne à la suite d’un accident (exemple : aide pour faire la toilette, faire les courses, la cuisine, le ménage, entretien du logement et du jardin…). 

Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’assistance par une tierce personne ouvre droit à indemnisation que l’aide humaine soit apportée par un professionnel (prestataire de service) ou par un proche et que cette aide humaine soit active ou passive (simple surveillance de la victime).

Dans la majorité des cas, le besoin en tierce personne d’une victime sera évalué par un Expert Judiciaire dans le cadre d’une réunion d’expertise contradictoire.

Néanmoins, il peut arriver que le besoin en aide humaine n’ait pas été chiffré par un Expert Judiciaire ou que ce dernier, bien que valablement saisi, n’ait pas admis le bien-fondé de ce poste de préjudice.

Dans cette hypothèse, l’absence d’évaluation du besoin en tierce personne par un Expert Judiciaire fait-elle obstacle à toute indemnisation de la victime pour ce poste de préjudice ?

Dans l’arrêt précité du 20 octobre 2016 (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 octobre 2016, Pourvoi n°15-15811), la Cour de cassation est venue préciser que, même si les Experts Judiciaires n’ont pas retenu de besoin en tierce personne, cette absence de chiffrage n’empêche en aucun cas la victime d’obtenir une indemnisation au titre de ce poste de préjudice dans la mesure où le besoin en aide humaine peut se déduire des circonstances de fait.

En l’espèce, pour caractériser le besoin en assistance, la Cour de cassation a constaté que l’intervention chirurgicale litigieuse était à l’origine d’une perte d’acuité visuelle pour le patient le rendant dépendant de son épouse pour ses déplacements.

Par ailleurs, la Cour de cassation est venue rappeler qu’une juridiction ne saurait refuser une demande indemnisation au titre de l’assistance par une tierce personne, motif pris que l’Expert Judiciaire n’aurait pas admis le besoin en aide humaine.

Dès lors qu’une victime formule une demande indemnitaire à ce titre, la juridiction est tenue d’examiner le bien-fondé de cette prétention et de motiver sa décision au regard des circonstances de fait et des pièces présentes au dossier.

La juridiction n’est en effet pas liée par les conclusions expertales et peut valablement admettre un préjudice non retenu par l’Expert Judiciaire.

Aussi, dans l’hypothèse où un besoin en aide humaine ne serait pas retenu par un Expert Judiciaire alors même que la perte d’autonomie de la victime justifie une assistance, il appartiendra à cette dernière d’apporter, par tous les moyens possibles, la preuve de son besoin en tierce personne afin d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice. 

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