Déchirement périnéal et sphinctérien consécutif à des manœuvres obstétricales réalisées par la sage-femme : partage d’indemnisation possible entre la clinique et l’ONIAM

Déchirement périnéal et sphinctérien consécutif à des manœuvres obstétricales réalisées par la sage-femme : partage d’indemnisation possible entre la clinique et l’ONIAM
Publié le 15/12/25

Le 15 octobre 2012, à la suite d’un accouchement par voie basse au sein d’une clinique privée située en GUADELOUPE, une patiente a présenté une déchirure du périnée avec atteinte du sphincter anal, que la sage-femme a tenté de recoudre avant la réalisation d’une suture par le gynécologue-obstétricien de garde.  

La patiente a assigné en responsabilité et indemnisation la clinique (cette dernière étant vraisemblablement l’employeur de la sage-femme), son assureur responsabilité civile, le gynécologue-obstétricien libéral ainsi que l’ONIAM, outre la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe.

La responsabilité de la clinique a été retenue au titre d’une perte de chance, évaluée à 50%, en raison d’une faute commise par la sage-femme.

En revanche, le gynécologue-obstétricien libéral a été mis hors de cause. 

Un appel a été interjeté.

Par arrêt en date du 27 octobre 2023, la Cour d’Appel de BASSE-TERRE a estimé que le dommage subi par la patiente était en lien avec des manœuvres obstétricales et qu’il était acquis que la faute de la sage-femme n’avait pas causé l’entier dommage mais avait seulement fait perdre à la patiente une chance de 50% d’éviter un déchirement périnéal et une rupture sphinctérienne anale. 

Selon la Cour d’Appel de BASSE-TERRE, 50% des préjudices subis par la patiente devaient être indemnisés par la clinique privée (employeur de la sage-femme) et 50% par l’ONIAM au titre d’un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation par la solidarité nationale.

L’ONIAM s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, il soutient tout d’abord que lorsque les soins prodigués par une sage-femme sont fautifs et ont fait perdre une chance à la parturiente d’échapper à un risque de déchirement périnéal et sphinctérien lié à l’exercice de poussées sur une distance ano-vulvaire courte, ni la part du dommage qui relève de cette perte de chance, ni celle qui résulte de l’accouchement par voie basse lui-même ou de la réalisation d’un risque inhérent à un tel accouchement, ne sont à mettre à la charge de l’ONIAM qui, au nom de la solidarité nationale, ne saurait indemniser ni les conséquences d’une faute d’un professionnel de santé, ni celle d’un acte naturel.

Par ailleurs, la Cour d’Appel de BASSE-TERRE aurait privé sa décision de base légale en mettant à la charge de l’ONIAM l’indemnisation des conséquences du déchirement périnéal et sphinctérien sans constater que ce dernier était un risque inhérent à l’acte de soins qui constituait l’expression abdominale et non à l’accouchement par voie basse.

Cependant, par arrêt en date du 15 octobre 2025 (Cour de cassation, Civile 1ère, 15 octobre 2025, Pourvoi n°23-23977), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par l’ONIAM et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de BASSE-TERRE et ce, au visa de l’article L.1142-1, II, du Code de la Santé Publique.

Cet article dispose que : 

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret ». 

Comme le précise la Cour de cassation, dans l’hypothèse où un accident médical est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute a fait perdre une chance à la victime d’y échapper, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L.1142-1 précité.

L’indemnité due par l’ONIAM est alors réduite du montant de celle-mise, le cas échéant, à la charge de la perte de chance.

La Cour de cassation ajoute que si l’accouchement par voie basse constitue un processus naturel, les manœuvres obstétricales pratiquées lors de cet accouchement caractérisent un acte de soins au sens de l’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique. 

En l’espèce, la patiente a été victime d’une part d’un accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM au sens de l’article L.1142-1, II, du Code de la Santé Publique et, d’autre part d’une faute de la sage-femme à l’origine d’une perte de chance de 50% de présenter les séquelles actuelles.

La clinique privée (employeur de la sage-femme) sera donc tenue d’indemniser 50% des préjudices de la patiente au titre d’une responsabilité pour faute, tandis que l’ONIAM sera tenu de réparer les 50% restant au titre d’un accident médical non fautif. 

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