Erreur de diagnostic anténatale : indemnisation possible des préjudices patrimoniaux des parents, notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle
Le 25 juin 2009, une femme a donné naissance à un enfant atteint de trisomie 21, non décelée au cours de la grossesse.
Les parents ont, tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leurs autres enfants mineurs, assigné en responsabilité et indemnisation, sur le fondement de l’article L.114-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles, le médecin ayant réalisé les échographies durant la grossesse.
La responsabilité du médecin échographiste a été retenue au titre d’une faute caractérisée lors de la première échographie ayant fait perdre aux parents une chance de 80% de demander une interruption de la grossesse.
Le médecin a alors été condamné à payer différentes indemnités aux parents et à leurs enfants au titre notamment de leurs préjudices moraux mais aussi patrimoniaux.
Aux termes de son arrêt en date du 9 avril 2024, la Cour d’Appel d’ORLEANS a notamment condamné le médecin échographiste à payer à la mère la somme de 31.784,80 euros et au père la somme de 87.740,80 euros en réparation de leurs pertes de revenus.
Le médecin échographiste s’est pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, il allègue que lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, le préjudice dont les parents peuvent demander réparation ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap.
Selon le médecin échographiste, la perte de gains professionnels constitue une charge particulière liée au handicap dont les parents ne sont pas bien fondés à demander l’indemnisation.
Or, par arrêt en date du 15 octobre 2025 (Cour de cassation, Civile 1ère, 15 octobre 2025, Pourvoi n°24-16323), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par le médecin échographiste et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’ORLEANS et ce, au visa de l’article L.114-5 du Code de l’Action Sociale et des Familles.
La Cour de cassation rappelle que :
« lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisé, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale ».
Selon la Cour de cassation, il s’en déduit que :
« le préjudice des parents ouvrant droit à réparation ne se limite pas aux préjudices extrapatrimoniaux et peut inclure des pertes de gains professionnels et une incidence professionnelle lorsqu’ils se trouvent contraints, pour prendre en charge leur enfant handicapé, de cesser ou modifier leur activité professionnelle ».
C’est donc à bon droit, qu’après avoir constaté qu’en raison du handicap de leur enfant et du temps devant lui être consacré, Mme [L] avait pris un congé parental de longue durée et repris ensuite un travail à temps partiel sur un autre poste moins bien rémunéré et que M. [L] avait subi une perte de revenus jusqu’en 2015, la cour d’appel a indemnisé leurs pertes de gains professionnels à hauteur de la chance perdue ».
