Cumul possible des pertes totales de gains professionnels futurs et de l’incidence professionnelle liée à la dévalorisation sociale ressentie par la victime

Cumul possible des pertes totales de gains professionnels futurs et de l’incidence professionnelle liée à la dévalorisation sociale ressentie par la victime
Publié le 3/11/25

Née en 2001, une jeune fille a été victime d’un accident de la circulation en 2011.

Le Tribunal Correctionnel a déclaré la conductrice coupable de blessures involontaires et contravention au code de la route et l’a condamnée à des peines d’emprisonnement avec sursis, d’amende et de suspension du permis de conduire.

Par ailleurs, la conductrice a été déclarée entièrement responsable des préjudices subis par la victime.

Après plusieurs mesures d’expertise, le Tribunal a liquidé les préjudices de la victime à la somme totale de 298.857,57 euros. 

Cette dernière a interjeté appel notamment dans la mesure où le Tribunal l’a déboutée de ses demandes tendant à obtenir la réparation totale de ses pertes de gains professionnels futurs et de son incidence professionnelle liée à la dévalorisation sociale ressentie du fait de son exclusion du monde du travail. 

Par arrêt en date du 18 juin 2024, la Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de POITIERS a infirmé le jugement rendu en première instance et a condamné la conductrice à payer à la victime la somme totale de 2.130.818,12 euros en réparation de son préjudice.

La Chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de POITIERS a notamment condamné la conductrice à verser à la victime la somme de 1.522.104 euros au titre de ses pertes totales de gains professionnels futurs et la somme de 100.000 euros au titre de son incidence professionnelle.

Aux termes de son arrêt, elle souligne qu’il résulte des rapports d’observations le constat d’un échec de la victime dans ses tentatives d’insertion professionnelle, tenant à sa fatigabilité et à ses troubles du comportement.

Ce constat est à relier avec les conclusions de l’Expert Judiciaire qui retenait, comme séquelles du traumatisme crânien subi par la victime, des troubles post-commotionnels, intégrant céphalées et difficultés d’organisation ainsi qu’une fatigabilité et une lenteur.

La Cour d’Appel de POITIERS ajoute que la victime n’est pas en capacité d’exercer une activité impliquant une mobilisation pendant plus de deux heures par jour, ce qui n’est pas compatible avec une activité professionnelle.

Elle en conclut qu’il convient d’indemniser, d’une part la perte de gains professionnels futurs en capitalisant la somme mensuelle de 2.000 euros, correspondant au revenu auquel l’intéressée aurait pu prétendre au regard de la formation entreprise, qu’elle a dû interrompre en raison de ses troubles et, d’autre part l’incidence professionnelle sur le fondement de la privation d’exercer une activité professionnelle correspondant à ses capacités initiales.

La conductrice s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’Appel de POITIERS.

Aux termes de son pourvoi, la conductrice soutient que la victime ne se trouve pas privée de la possibilité d’exercer toute activité professionnelle en raison de ses séquelles. 

La victime ne pouvait donc pas être indemnisée de la perte totale de ses gains professionnels futurs.

Selon la conductrice, la Cour d’Appel de POITIERS aurait dû cantonner l’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs en faisant application d’un simple taux de perte de chance.

Par ailleurs, dans la mesure où la victime n’a pas été exclue définitivement du monde du travail, elle ne pouvait pas solliciter, au titre de son incidence professionnelle, une indemnisation en lien avec une quelconque dévalorisation sociale. 

Toutefois, par arrêt en date du 9 septembre 2025 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 septembre 2025, Pourvoi n°24-85258), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par la conductrice et a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de POITIERS.

Comme le souligne la Cour de cassation, en l’état des énonciations de la Cour d’Appel de POITIERS, relevant de son pouvoir souverain d’appréciation des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, il résulte que la victime, en raison de l’accident de la circulation subi dans sa dixième année, se trouve définitivement privée de toute possibilité d’exercer une activité professionnelle.

Par conséquent, la victime est bien fondée à solliciter la réparation de ses pertes totales de gains professionnels futurs, outre de son incidence professionnelle liée à la dévalorisation sociale résultant de son exclusion définitive du monde du travail. 

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