Morsure de chien et absence de faute de la victime

En juin 2018, la propriétaire d’un véhicule automobile et son voisin ont convenu d’une rencontre afin de vérifier l’état de celui-ci.
La propriétaire devait déposer son véhicule, ainsi que les clefs de celui-ci, devant le domicile de son voisin.
La propriétaire, préférant ne pas laisser sans surveillance ses biens, a entrepris d’ouvrir le portail du domicile de son voisin pour y laisser le véhicule et les clés, avant de ressortir de la propriété.
Ayant laissé ses clés de domicile dans son véhicule, la propriétaire s’est rendue quelques minutes plus tard près de sa voiture lorsqu’un des chiens de son voisin l’a mordue.
Alerté par les cris, le voisin l’a conduite aux urgences.
La victime a été informée que l’assureur de son voisin, la société FINISTERE Assurance, n’entendait pas l’indemniser intégralement.
Estimant que la victime aurait commis une faute, la société FINISTERE Assurance proposait de l’indemniser à hauteur de 25%
La victime a alors assigné en justice son voisin, aux côtés de son assureur responsabilité civile, afin de voir reconnaître sa responsabilité et solliciter l’indemnisation de ses préjudices.
Par jugement en date du 8 février 2022, le Tribunal Judiciaire de VANNES a fait droit à l’argumentation de la victime et considéré que le voisin était seul responsable des préjudices causés par son chien IGOR.
La société FINISTERE Assurance a interjeté appel de cette décision, estimant qu’en raison de l’existence d’une faute de la victime, l’indemnisation de cette dernière devait être limitée à 25%.
Or, par arrêt en date du 30 avril 2025 (Cour d’Appel de RENNES, 5ème Chambre, 30 avril 2025, RG n°22/02299), la Cour d’Appel de RENNES a rejeté l’argumentation développée par la société FINISTERE Assurance et confirmé la responsabilité du voisin.
Aux termes de l’article 1243 du Code civil, le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé.
Cet article fait peser sur le propriétaire de l’animal une responsabilité de plein droit fondée sur l’obligation de garde corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent.
Cette présomption de responsabilité dispense la victime de rapporter la preuve d’une faute ayant entraîné le dommage mais il lui appartient en revanche d’établir l’intervention matérielle et le rôle causal de l’animal dans la réalisation de l’accident qu’elle a subi.
En l’espèce, le propriétaire du chien et son assureur ne contestaient pas l’imputabilité des morsures et des blessures subies par la victime au chien.
Ils ne contestaient pas non plus que le propriétaire du chien avait, au moment des faits, la garde de celui-ci.
Comme le souligne la Cour d’Appel de RENNES, la présomption de responsabilité qui pèse sur le gardien de l’animal ne peut être renversée que par la démonstration de la faute de la victime, du fait d’un tiers ou de la force majeure.
Pour entrainer une exonération totale de la responsabilité du gardien de l’animal, la faute de la victime doit apparaître comme étant la cause exclusive du dommage et revêtir les caractères de la force majeure, c’est-à-dire avoir été irrésistible et imprévisible.
Pour entraîne une exonération partielle de la responsabilité du gardien de l’animal, la faute de la victime peut être une faute simple ayant concouru à la production du dommage.
En l’espèce, s’il n’avait pas spécifiquement demandé ou simplement autorisé sa voisine à déposer son véhicule dans sa propriété, il n’en demeure pas moins qu’ils avaient convenu qu’elle lui laisse sa voiture le matin des faits à 09h15 et qu’elle pouvait s’attendre à ce qu’il soit présent à ce moment-là.
Par ailleurs, le portail n’était pas fermé à clé et il n’y avait pas de sonnette ou d’interphone, de sorte que le fait, pour une voisine, de déposer son véhicule dans la propriété de son voisin, avec lequel elle entretenait des relations de confiance au point de lui confier la révision de son véhicule, est insuffisant à caractériser une faute.
De plus, l’on ignore si un panneau, avertissant de la présence de chiens, était présent. En tout état de cause, la présence d’un tel panneau, en l’absence d’un portail fermé à clé, ne permet pas de considérer que la victime a commis une faute en déposant son véhicule dans la cour.
En outre, le propriétaire du chien et son assureur ne démontrent pas que la voisine savait que le chien était agressif en l’absence de son maître.
Ensuite, la victime n’a eu aucun geste et aucune parole agressive, ni comportement provocateur à l’égard du chien qui l’a mordue alors qu’elle sortait de son véhicule.
La Cour d’Appel de RENNES relève également que le chien était de race staffordshire terrier américain, de catégorie 2, ce qui justifiait de prendre des mesures particulières selon un vétérinaire.
Enfin, à la suite de ces évènements, le voisin a installé un portail sécurisé avec digicode à l’entrée de sa propriété, démontrant qu’il a mis en œuvre les mesures préconisées par le vétérinaire, au vu de la dangerosité du chien.
Selon la Cour d’Appel de RENNES, au vu de l’ensemble de ces éléments, le propriétaire du chien et son assureur échouent à caractériser la moindre faute commise par la victime ayant concouru à la réalisation de son dommage.
Par conséquent, le propriétaire du chien est seul responsable de cet accident et sera tenu, solidairement avec son assureur responsabilité civile, d’indemniser les différents préjudices subis par la victime.