Une simple demande de renseignements de l’assureur automobile ne respectant pas le formalisme de l’article R.211-39 du Code des Assurances n’interrompt pas le cours des intérêts

Le 19 mars 2004, un homme a été blessé par la chute du mât d’une foreuse, louée à une société, laquelle bénéficiait d’une assurance automobile.
Par jugement en date du 3 septembre 2010, un Tribunal de Grande Instance a dit que la victime était bien fondée à solliciter auprès de l’assureur automobile la réparation intégrale des conséquences dommageables de l’accident.
Le 12 novembre 2015, la victime a assigné la société et son assureur automobile, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, devant le Tribunal de Grande Instance, aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
Aux termes de ses écritures, la victime demandait notamment la condamnation de l’assureur automobile au double du taux de l’intérêt légal à compter du 20 novembre 2004 (soit à l’expiration du délai de 8 mois à compter de l’accident) jusqu’au jour de la décision à venir devenue définitive.
La victime estimait en effet que l’offre de l’assureur automobile, en date du 10 juin 2015, était insuffisante et incomplète.
Toutefois, par arrêt en date du 17 octobre 2023, la Cour d’Appel de VERSAILLES a limité le cours des intérêts au double du taux de l’intérêt légal et ce, du 20 novembre 2004 au 10 juin 2015.
Pour ce faire, la Cour d’Appel de VERSAILLES a estimé que l’offre adressée par l’assureur automobile le 10 juin 2015 n’était ni insuffisante ni incomplète.
En effet, s’il n’est pas contestable qu’il n’a pas fait de proposition d’indemnisation au titre du retentissement professionnel, l’assureur automobile a demandé à la victime la communication des avis d’imposition depuis 2012 pour chiffrer ce poste de préjudice.
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, la victime rappelle qu’une simple demande de justificatifs émanant de l’assureur automobile ne peut être assimilée à la correspondance prévue par l’article R.211-39 du Code des Assurances par laquelle l’assurance demande à la victime de lui donner les renseignements concernant le montant de ses revenus professionnels avec les justificatifs utiles et lui rappelle les conséquences d’un défaut de réponse ou de réponse incomplète.
Or, par arrêt en date du 19 juin 2025 (Cour de cassation, Civile 2ème, 19 juin 2025, Pourvoi n°23-23333), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES et fait droit à l’argumentation développée par la victime et ce, au visa des articles L.211-9, L.211-13, R.211-37 et R.211-39 du Code des Assurances.
Il résulte des deux premiers de ces textes que l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l’intérêt légal, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
Il résulte des deux derniers, notamment, que la victime est tenue, à la demande de l’assureur, de lui donner les renseignements concernant le montant de ses revenus professionnels avec les justificatifs utiles ainsi que la description des atteintes à sa personne accompagnée d’une copie du certificat médical initial et autres pièces justificatives en cas de consolidation, et que la correspondance adressée à cette fin par l’assureur mentionne les informations prévues à l’article L.211-10 du Code des Assurances et rappelle à l’intéressé les conséquences d’un défaut de réponse ou d’une réponse incomplète.
Par conséquent, lorsque l’assureur automobile adresse une offre d’indemnisation à la victime ne comprenant pas tous les éléments indemnisables du préjudice et qu’il ne justifie pas lui avoir adressé une demande de renseignements respectant le formalisme de l’article R.211-39 du Code des Assurances, les intérêts au double du taux de l’intérêt légal continuent à courir ; une simple demande de justificatifs émanant de l’assureur ne suffit pas à interrompre le court des intérêts si elle ne respecte pas les dispositions de l’article R.211-39 du Code des Assurances.
La victime aura donc droit au double des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2004 et jusqu’au jour de la décision devenue définitive.