Autorité de chose jugée du pénal sur le civil s’agissant de l’appréciation de l’absence de faute du conducteur victime

Le 22 avril 2015, deux personnes, respectivement conductrice et passagère d’une moto, assurée par la MACIF, ont été blessées dans un accident de la circulation impliquant une camionnette appartenant à une société et assurée par la société WAKAM.
Au moment de l’accident, la moto était en train d’effectuer un dépassement de la camionnette.
Par un jugement définitif en date du 7 septembre 2016, un Tribunal de Proximité a déclaré le conducteur de la moto non-coupable des contraventions de dépassement de véhicule à une intersection de routes et de dépassement dangereux, prévues et réprimées par les articles R.414-11 et R.414-4 du Code de la Route.
Au cours de l’année 2017, le conducteur de la moto et son assureur automobile ont assigné devant le Tribunal Judiciaire le conducteur de la camionnette, la société propriétaire de celle-ci et la société WAKAM, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, aux fins de réalisation d’une expertise médicale, de paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice corporel et de remboursement à la MACIF de l’intégralité des sommes versées par elle à la suite de l’accident.
Toutefois, par arrêt en date du 10 mai 2023, la Cour d’Appel de ROUEN a limité à 20% le droit à indemnisation du conducteur de la moto.
En effet, la Cour d’Appel de ROUEN a estimé que ce dernier avait commis une faute civile entraînant la réduction de son droit à indemnisation de 80% dans la mesure où il avait débuté sa manœuvre de dépassement alors que se trouvait au sol une ligne mixte avec trois flèches de rabattement.
Elle ajoute que le conducteur n’a pas fait preuve de toute la prudence et de la patience souhaitées dans la conduite de sa moto alors qu’il roulait sur un axe routier comportant des portions de ligne continue et des intersections notamment à gauche et que le changement de direction de la camionnette qui le précédait n’était pas un évènement imprévisible.
Selon la Cour d’Appel de ROUEN, ces circonstances traduisent l’insuffisance de précaution du conducteur de la moto au regard non seulement des exigences de l’article R.413-17 du Code de la Route en matière de maîtrise de son véhicule quant aux difficultés de la circulation et aux obstacles prévisibles, mais aussi de vigilance attendue de tout conducteur pour sa sécurité et pour celle des autres usagers de la route.
Le conducteur de la moto s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision rappelant l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.
Par arrêt en date du 19 juin 2025 (Cour de cassation, Civile 2ème, 19 juin 2025, Pourvoi n°23-19606), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de ROUEN et fait droit à l’argumentation développée par le conducteur de la moto victime et ce, au visa des articles 1351, devenu 1355 du Code Civil.
Il résulte de ce texte que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.
L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la décision.
Or, il avait été définitivement jugé par le juge pénal que le conducteur de la moto avait entrepris une manœuvre de dépassement sur une route prioritaire, en présence d’une ligne au sol en pointillés, après avoir activé son clignotant, en circulant à une vitesse normale, alors que la visibilité était bonne, qu’aucun autre véhicule n’arrivait d’aucun sens, et qu’il pouvait effectuer cette manœuvre en reprenant sa place dans le courant normal de la circulation sans gêner celle-ci.
Par ailleurs, la Cour d’Appel de ROUEN n’a pas caractérisé une faute civile de conduite distincte de celles pour lesquelles la relaxe a été prononcée.
Par conséquent, en retenant tout de même une faute civile à l’encontre du conducteur de la moto victime et en limitant son droit à indemnisation à 20%, la Cour d’Appel de ROUEN a violé le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.