Un juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance dont il constate l’existence dans son principe et ce, même si le demandeur sollicite uniquement une réparation intégrale de son dommage

Par deux arrêts d’Assemblée Plénière en date du 27 juin 2025 (Cour de cassation, Assemblée Plénière, 27 juin 2025, Pourvoi n°22-21812 et Cour de cassation, Assemblée Plénière, 27 juin 2025, Pourvoi n°22-21146), la Cour de cassation est venue affirmer qu’un juge ne peut refuser d’indemniser la perte de chance subie par une victime quand bien même cette dernière n’aurait sollicité que la réparation intégrale de son dommage.
Dans les deux espèces, des personnes avaient été victimes d’un manquement à une obligation d’information et de conseil commis, d’une part par un avocat et, d’autre part par un notaire.
Les victimes avaient alors engagé une procédure en responsabilité à leur encontre, au cours de laquelle les manquements avaient été reconnus par les juridictions.
Les victimes sollicitaient en outre la réparation intégrale de leurs préjudices en lien avec ces manquements mais ne formulaient, à titre subsidiaire, aucune demande au titre d’une éventuelle perte de chance.
Les Cours d’appel les avaient alors déboutées de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires, estimant, d’une part qu’elles n’avaient pas droit à la réparation intégrale de leurs préjudices et, d’autre part qu’elles ne demandaient aucune indemnisation au titre d’une perte de chance.
Les victimes se sont alors pourvues en cassation à l’encontre de ces décisions.
Or, aux termes des deux décisions d’Assemblée Plénière précitées, la Cour de cassation a censuré les arrêts rendus par les Cours d’appel et fait droit à l’argumentation développée par les victimes.
Comme le rappelle la Cour de cassation, la reconnaissance d’une perte de chance permet de réparer une part de l’entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n’est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l’entier dommage, en demeure dépendant.
Par ailleurs, il résulte de l’article 4 du Code Civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l’existence en son principe.
Selon la Cour de cassation, il s’en déduit que :
- Le juge peut, sans méconnaître l’objet du litige, rechercher l’existence d’une perte de chance d’éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l’entier préjudice ; il lui incombe alors d’inviter les parties à lui présenter les observations quant à l’existence d’une perte de chance ;
- Le juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l’existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.